LE RAT-DOUTEUX QUI RADOTE ET LE BEAU MERLE
Par Pompagrattons À Rallonges
A Olliergues le patrimoine est comme une denrée périssable sans valeur, moins même que les tas de fumier dans les champs, et c’est avec impatience qu’on attend le merle qui sifflera la fin de l’hiver et réveillera les Ollierguois à la valeur de leur patrimoine. Je vais vous en donner quelques exemples, sachant que cela n’est pas typique d’Olliergues, mais qu’Olliergues est un excellent exemple de ce qu’il ne faut surtout pas faire. Et nous devrons bientôt parler d’Olliergues 2030, le bébé à Nounours. Qui est Nounours ? Un gros monsieur dont je vous laisse deviner l’identité

Au 15ème siècle l’église catholique lance le culte de Sainte Anne et apparaissent alors des Sainte Anne Trinitaire, Sainte Anne tenant Marie sur son bras droit et celle-ci tenant Jésus sur son bras gauche entre elle-même et sa mère. Exceptionnel. Agne IV Baron d’Olliergues est marié à sa cousine Anne de Beaufort qui lui a apporté le titre de Vicomte de Turenne et qu’il a épousé sur licence spéciale du Pape. Il aura avec elle treize enfants survivants. Il fait donc faire une Sainte Anne Trinitaire qui est encore à Olliergues. Elle fut restaurée professionnellement sous le maire Lucien Drouot vers 1970. Elle est parquée dans un grenier humide et sans chauffage, dans son habit de couleurs impeccables. Elle vaut au bas mot un million d’euros sur le marché européen, et je ne dirai rien quant au marché noir surtout nord-américain. Olliergues n’a pas le courage de l’exposer, ici ou là, sous protection sécuritaire normale qui coûterait au plus 20 ou 25 mille euros. Une gageure pour une pièce unique en parfait état de conservation, à condition d’avoir un projet qui lui donne une place centrale dans la valorisation de ce patrimoine ancien.

Sous le chœur de l’église une structure bâtie existe, nécessairement antérieure à la construction de la première chapelle du poste militaire d’Olliergues qui doit dater du 9ème (comme la chapelle Saint Pierre de Meymont dont Olliergues dépendait jusqu’en 1275) ou au plus tard du 10ème siècle. Pour atteindre cette structure bâtie (visible par une petite bouche d’aération grillée sous la sacristie construite bien plus tard) il faut emprunter une première travée voûtée ouest-est, puis une travée transversale (transept) voutée nord-sud et la structure bâtie sous le chœur de l’église est atteignable par une ouverture légèrement ogivée et donc plus tardive, et heureusement murée, même si en pierres sèches. Elle n’a donc pas dû être pillée. J’ai fait inscrire à l’inventaire ces deux travées voûtées et la structure sous l’église en 1996 par les services des monuments historiques de Clermont Ferrand : un Pompagrattons, c’est comme les petits pois, on en a toujours besoin chez soi. La directrice du service venue pour cette occasion a dit : « Ces voûtes ne sont ni romaines, ni romanes. » On est donc entre les cinquième et neuvième siècles. Impossible d’arriver à faire comprendre qu’un projet de fouilles archéologiques de cette structure souterraine permettrait de donner au patrimoine du village une valeur attractive exceptionnelle. Cette structure souterraine n’a pu être que la continuation d’un temple romain, probablement à Mercure qui devait accompagner le poste militaire romain sur le piton d’Olliergues qui contrôle toute la vallée.
En ce temps-là la chaussée, barrage de retenue en terre tassée, avait transformé tout le pourtour de ce piton rocheux de ce qui est aujourd’hui la salle des fêtes accrochée à cette chaussée à la Grand Place et sa mairie sur pilotis, en un marécage ou lac de retenue et vivier à poissons. Cette chaussée existait déjà depuis probablement les Celtes qui avaient dû occuper ce piton pour eux aussi des raisons militaires. Ce marécage ou lac de retenue sera la douve du poste militaire et à partir de 1275 du château des Barons d’Olliergues, bientôt Vicomtes de Turenne, protégeant le piton, le poste militaire, puis le château et son village fortifié vers le Nord, l’Est et partiellement le sud. Le rebord rocheux de la Dore, rive droite, de près de cinq à sept mètres court du/des ponts au 8 rue de la Chaussée où commence justement la dite chaussée en terre tassée, côté Forez. La rive gauche de la Dore, côté Livradois, est une montée rocheuse à pic dans laquelle un chemin ou une route a dû être taillée il y a fort longtemps en sachant que le pont roman d’Olliergues a été construit par Agne IV justement au 15ème siècle. Remarquons qu’au plus étroit de la gorge de la Dore (où sont les deux ponts), la distance entre les deux masses rocheuses du Forez et du Livradois est à peine de vingt à trente mètres et même pas dix mètres au niveau de la rivière elle-même.



On pourrait écrire un livre sur l’église mais retenons seulement la deuxième extension sous Agne IV au 15ème siècle pour accueillir sa famille très nombreuse, qui double la capacité de la chapelle, car ce n’est qu’une chapelle castrale, mais en change l’orientation de ouest-est à sud-nord contre les traditions chrétiennes en cours à l’époque. L’extension ultérieure, la troisième, ne viendra qu’après la Révolution. Pendant la Révolution, le père Ravel, maçon de son métier, achète les clochers de la chapelle castrale et de l’église de La Chabasse, église paroissiale, et probablement quelques autres. En 1830 au début de l’expansion d‘Olliergues en riche communauté agricole avec la révolution verte de Louis Philippe et plus tard de Napoléon III, les fils Ravel, connus comme les frères Ravel, assurent la reconstruction et extension de cette chapelle devenue église paroissiale et de son clocher (et probablement du clocher de La Chabasse, deuxième église paroissiale). On pourrait écrire un second livre sur ce travail de professionnels iconoclastes. Le portail est déplacé et les pierres sont encore numérotées avec une encre indélébile depuis 1830 (date au fronton de l’église). La première marche en bas de l’escalier a une pierre noire, pierre sur laquelle le prêtre doit se tenir pour l’eucharistie devant l’autel. Cette pierre devrait être dans le chœur et elle n’y est pas. Mais les frères Ravel en iconoclastes superstitieux ont mis cette pierre à l’envers pour qu’on ne voie pas les quatre croix latines dans les quatre coins de ladite pierre.

C’est que cette période d’iconoclastie superstitieuse a laissé une autre marque à la façade de la maison dite Louis Philippe au-dessus de l’église dans la montée vers le château. Une pierre avec le blason d’Olliergues, récupérée probablement du château lui-même déconstruit par la Révolution et après, est à l’envers. On ne sait jamais avec les nobles. Ils seraient bien capables de revenir nous hanter.
Le Baron d’Olliergues le plus célèbre est Henri de Turenne, Maréchal du Royaume de France et de Louis XIV qui fut enterré dans la Basilique Saint Denis, basilique des enterrements royaux, car il était de sang royal comme le prouve le bandeau rouge de bâtardise royale du blason d’Olliergues, et qui fut ensuite vendu dent par dent, os par os, par les révolutionnaires, puis récupéré par Bonaparte qui le fit enterrer au Jardin des Plantes avant plus tard de le faire enterrer aux Invalides où il est toujours, ou du moins ce qui reste de ses os. Depuis 1995 je n’ai jamais réussi à faire comprendre aux élus de ce village que le nom de Henri de La Tour d’Auvergne Baron d’Olliergues et Vicomte de Turenne, Maréchal de Louis XIV, inventeur de la guerre de mouvement et enseigné dans toutes les académies militaires du monde, serait un nom que le village s’honorerait de mettre en avant sur une rue ou un bâtiment. J’avais suggéré le collège, mais le fondateur de La Montagne était beaucoup plus politiquement correct. La Bibliothèque n’a pas de nom. Mais on n’hésite même pas. C’est non. La Salle des fêtes n’a pas de nom. Mais on n’hésite toujours pas. C’est non. Une nouvelle rue n’avait pas de nom. Mais on n’hésite même pas. Ce sera la rue du lavoir.
Alors parlons de ce patrimoine Ollierguois. Le château est encore debout car il a été restauré par le maire Lucien Drouot en 1973 avec le concours d’appelés du contingent professionnels du bâtiment et grâcieusement mis à disposition par les armées. J’ai longtemps cherché la date qui est normalement inscrite dans la pierre ou le ciment de tout chantier de ce genre. Je l’ai enfin trouvée sous une couverture sauvage de lierre de dix centimètres d’épaisseur, une surcroissance de ronces de au moins un mètre et le tout jusqu’au faîte du mur dix mètres plus haut. J’ai passé trois jours à débroussailler cet horreur envahissante.

L’état de ces murs du château est alarmant. Du côté de la tour nord au pied de laquelle se trouve cette date, le lierre et les ronces montent jusqu’en haut et personne ne les enlève, sauf bien sûr celles que je viens de descendre pour retrouver la date. Sur l’angle est, les choses sont bien plus graves car le lierre a atteint le haut du mur et semble se développer en fouillis de vingt ou vingt-cinq ans

Et plus dure sera la chute, pierre à pierre ou par pans de mur entier.
La tour sud surplombant la rue montant vers le château tombe en ruine pierre à pierre. J’en ai déjà ramassé quelques-unes. Les gamins qui visitent le château trouve amusant d’ailleurs d’en jeter quelques une du haut du mur et le lierre envahit ladite tour et le mur ouest. C’est plus que de la négligence, c’est du mépris.
Et ainsi va le monde à sa perdition.

Mais ne croyez pas que ce soit un mal municipal. Rares sont les habitants de ce village qui simplement entretiennent les murs et les pans de patrimoine historique souvent ancien, dont ils ont la jouissance en tant que propriétaires, sans parler du patrimoine naturel. Le Parc Livradois Forez mène une vraie campagne pour installer de jeunes agriculteurs et pour faire avancer l’idée que les agriculteurs ont la responsabilité de l’entretien et de la valorisation du paysage et de la richesse de la terre, voire du terroir. Il est calculé qu’il faut près de trois ans pour remettre en exploitation une terre abandonnée à la friche, et ce après déboisage et dessouchage. Mais imaginez la friche qui monte sur des murs anciens, souvent en pierre sèche ou vaguement liés avec un mélange de boue et de chaux, quand ce n’est pas du pisé ou autres murs en terre. Prenons un exemple simple. Le rempart des fortifications du village qui suivait le pourtour de la douve a été arasé pendant la Révolution. Après la Révolution, à partir de Louis Philippe et sa révolution verte, des murs double couche en pierre quasi sèche ont été montés sur la base de ce rempart (voire des maisons comme le 8 rue de la Chaussée et le 1 rue de la cure) pour ensuite remblayer des terrasses de culture. Si vous laissez monter du lierre et autres ronces et parasites envahissant de cette sorte dans le mur, les racines traverseront le mur pour trouver la terre derrière et ces plantes vont grossir et se multiplier, sans avoir le moins du monde à faire couler la moindre sueur à leur front. En dix ans le mal est irréparable et en vingt ans le mur a de fortes chances de tomber.
Table à Fables par l’Affable Pompagrattons
Mais c’est que nous avons des romantiques parmi nous. Ainsi un rat-douteux célèbre et qui radote, a une terrasse en contre-bas de cet ancien rempart, donc gagné sur le marécage. Au fond de la terrasse un mur, construit sur la base de l’ancien rempart, haut de quatre à cinq mètres domine et retient une terrasse supérieure. Le rat-douteux qui radote depuis deux génération a laissé pousser le lierre sur ce mur car, comme il dit, il faut bien que les merles puissent nicher. Et oui les oiseaux nichent dans des nids comme les chiens nichent dans des niches. Les racines qui traversent le mur du voisin sont grosses comme un poignet d’adulte. Le mur est mort. Il faudra le reconstruire. Mais qui paie ?

Bataille légale en vue. Le lierre monte de la terrasse inférieure et n’est pas enlevé. Le dommage est donc la conséquence de la négligence volontairement assumée pour nicher les merles siffleurs par le rat-douteux qui radote. C’est à lui à faire enlever le lierre à ses frais et à réparer le mur. Mais, dit-il, la loi courante et la coutume veut qu’un mur de soutien d’une terrasse soit aux frais et à l’entretien du propriétaire de la terrasse que ce mur soutient. Donc ce n’est pas le rat-douteux qui radote qui est le payeur mais le propriétaire de la terrasse supérieure. « Siffle beau merle tu m’intéresse ! » que le rat-douteux qui radote susurre dans le creux de ses mâchoires.

En 1995, le même rat-douteux qui radote avait laissé pousser son lierre de sa terrasse sur deux murs de la maison mitoyenne qui fait quatre niveau, et ce jusqu’au toit. A la demande du propriétaire qu’il descende le lierre, il a répondu « Mais les merles ! » et il n’a rien fait. En 1996 à la même question du propriétaire il a répondu « Je vais y penser ! » Et quinze jours plus tard rien n’étant fait et l’hiver approchant le propriétaire de la maison l’a fait lui-même. Un chantier d’un mois et demi dont les quinze premiers jours pour dégager l’escalier qui descend d’une terrasse à l’autre pour avoir accès à la source du mal. Cet escalier avait été transformé en une jungle de lierre, de ronces et autres envahisseurs persistants et persifflants. Machette, coupe-coupe, cisaille, sécateurs, houe et bèche permirent de reconquérir l’escalier marche par marche à partir du haut.

Et voilà maintenant 22 ans plus tard, après que les murs de cette maison aient été réfectionnés selon les règles des bâtiments de France puisqu’il s’agit d’un patrimoine protégé (150 ans d’âge remontant à Napoléon III) le rat-douteux qui radote a la prétention d’interdire au propriétaire de la maison tout droit d’accès à ses murs pour les entretenir. Bataille perdue pour le rat-douteux qui radote car les lois sont les lois et personnellement je pense que le propriétaire, les propriétaires victimes de la prétention arrogante de ce rat-douteux qui radote devraient porter plainte auprès du Procureur de la République pour dommage à leurs propriétés, causé par la négligence volontairement assumée du rat-douteux qui radote, donc intentionnellement criminelle. Plainte recevable dans n’importe quelle gendarmerie. Le rat-douteux qui radote pourra toujours porter plainte pour accès illicite sur sa propriété par les propriétaires qui ont un droit d’accès de toute façon selon le droit coutumier le plus ancien et la loi plus récente.
Cet été enfin un calvaire au pied de la montée vers le château était envahi de lierre et de vigne vierge montant de la propriété en contrebas sur l’arrière. Personne n’intervint pour nettoyer cela. Il fallut qu’un pauvre pékin, simple citoyen, prenne ses cisailles, sécateurs et jambes à son cou et monte sur le mur et le socle du calvaire pour simplement tailler les envahissantes plantes. Mais on me dira la propriétaire de cette maison, dite Louis Philippe, est une propriétaire parisienne absente de façon quasi permanente. Elle a passé trois jours cette année dans sa maison, a nettoyé le jardin arrière et a simplement déposé les mauvaises herbes et autres rebus végétaux dans la rue (on dit que c’est le maire qui le lui a conseillé). Il est temps et grand temps que les habitants d’Olliergues, que les citoyens de cette ville et que les pouvoirs municipaux et communautaires fassent un petit effort pour sauver un patrimoine si ancien que l’on n’en a pas idée. Et que dire des terrasses sur le flan montant nord-est de la route départementale qui toutes voient leur mur de soutien foutre le camp ? Et que dire des murs des terrasses sous le château qui sont soit déjà tombées (environ une quinzaine de mètres ont été rebâtis par la municipalité), soit pour l’essentiel le long du chemin des lientes sont largement en danger et les terrasses au-dessus de ce chemin des lientes ont perdu depuis fort longtemps tout soupçon d’un mur de soutènement entretenu. Et que dire enfin du mur de soutènement de la descente de la rue de la Chaussée de la départementale à la chaussée elle-même. Il y a au moins cinq ans maintenant dix mètres sont tombés sur trois niveaux de terrasses et rien n’est fait pour réparer. Le maire semble vouloir croire que les assurances finiront bien par céder et reconnaitre une catastrophe naturelle alors que c’est le résultat d’un total manque de travail d’entretien.

Mais retenez votre souffle. Je puis vous assurer qu’il y a au moins dans le village même, au-dessus de la gendarmerie une bonne centaine de mètres de murs qui vont tomber incessamment sous peu, et un des propriétaires est conseiller municipal. Il imagine peut-être que la municipalité paiera quand le mur tombera. Ah ! Ah ! L’autre est mort et il disait de son vivant « Le mur m’enterrera ! » Ce qu’il a effectivement fait. Un troisième propriétaire, indirectement le rat-douteux qui radote, est concerné par le coin de ce mur qui est tombé un jour comme un sac de bille qui a perdu son, sac : La propriétaire réelle, plus ou moins liée au rat-douteux qui radote, prétend que ce mur est mitoyen avec la municipalité et doit donc être réparé par la municipalité. Bravo !
- Si ce n’est toi, c’est donc ton frère.
— Je n’en ai point. — C’est donc quelqu’un des tiens :
Car vous ne m’épargnez guère,
Vous, vos impôts, et vos taxes.
On me l’a dit : il faut que je me venge.
« Mais tu peux rire beau merle, le rat-douteux qui radote t’enterrera. » Et finissons en chanson en attendant Olliergues 2030 :
Avec un merle, un geai se disputait.
Vanité des deux parts ; chacun d’eux s’emportait,
Et, comme le plus beau, proclamait son plumage.
Le merle est fin ; son rival, sot et fier,
Sur son défi consent un arbitrage.
Un corbeau qui, dans l’air,
Passait en courrier de l’hiver,
Fut appelé pour rendre la sentence.
« Messieurs, dit le noir oiseau avec suffisance,
De tous les oiseaux le plus beau,
Sans contredit, c’est le corbeau ;
La palme ici revient donc, ce me semble,
A celui de vous deux qui le plus me ressemble.
Adieu, je pars, car on m’attend ailleurs. »
C’est de même partout qu’on juge des couleurs.
(« Le Geai, le Merle et le Corbeau », d’après Marc-Louis de Tardy)

POMPAGRATTONS — RALLONGES EN PLUS
Olliergues, 28 février 2017