Industrialized slavery to grow bank deposits

MUSÉE DU QUAI BRAZNLY JACQUES CHIRAC — THE COLOR LINE — LES ARTISTES AFRICAINS-AMÉRICAINS ET LA SÉGRÉGATION — 1865–2016 — OCTOBRE 2016-JANVIER 2017
Le catalogue de cette exposition est une exposition en soi. Vous pouvez lire les textes de présentation si vous voulez des détails sur les œuvres, les auteurs, les artistes couverts dans l’exposition et dans le catalogue. Vous trouverez dans ces pages de texte de véritables perles rares. J’en ai retenu deux de Langston Hughes, un poète d’une puissance qui embrasse l’universel alors même qu’il étreint les Noirs des USA. Il donne à ces Noirs la dimension universelle qui dépasse tout ce que le monde qui les a niés, exploités, torturés, lynchés n’a jamais été capable d’atteindre et ne l’est toujours pas. Pensez à Charlottesville. Pansez de telles blessures. Il n’y aura jamais assez d’éther pour endormir la souffrance créée par les exploiteurs des Noirs dans ce monde qui une fois pour toute a décidé que le noir, c’était l’enfer, que le noir, c’était le malheur, que le noir, c’était la mort, la pourriture, la décomposition, l’annihilation.
ONE-WAY TICKET
I pick up my life
And take it with me
And I put it down in
Chicago, Detroit,
Buffalo, Scranton;
Any place that is North and East –
And not Dixie.
I pick up my life
And take it on the train
To Los Angeles, Bakersfield,
Seattle, Oakland, Salt Lake,
Any place that is North and West –
And not South.
I am fed up
With Jim Crow laws,
People who are cruel
And afraid,
Who lynch and run,
Who are scared of me
And me of them.
I pick up my life
And take it away
On a one-way ticket –
Gone up North,
Gone out West,
Gone

Je ne donnerai pas la traduction qui est en note car le texte n’est ce qu’il est et universel que dans la langue où il a été pensé, souffert, écrit, probablement pleuré et accouché dans la douleur. Traduire trahit cette universalité qui n’est que dans le particularisme de l’auteur et de son écriture.
Le deuxième poème de Langston Hughes est le suivant.
SILHOUETTE
Southern gentle lady,
Do not swoon.
They’ve just hung a black man
In the dark of the moon.
They’ve hung a black man
To a roadside tree
In the dark of the moon
For the world to see
How Dixie protects
Its white womanhood.
Southern gentle lady,
Be good!
Be good!

Vous trouverez l’image par Charles H. Alston page 249 de la seule façon dont les blancs du sud, mais pas que du sud, protège supposément leurs femmes contre ne serait-ce qu’un seul regard concupiscent d’un noir, un seul regard noir de quelque nature que ce soit qui salit la femme blanche que l’on sait. L’adultère avec un blanc produit au pire un divorce. Un simple regard d’un noir produit au moins l’émasculation, puis un ou deux genoux brisés, puis une pendaison faite et refaite deux ou trois fois car on ne meurt pas vite d’être pendu, dépendu, rependu, et finalement brûlé pour purifier l’air des noirceurs de cet être qu’on ne saurait appeler un homme puisqu’il est noir.
Souffrez donc que je vous dise que la route est encore longue et qu’il faudra attendre un deuxième président noir, au moins, pour peut-être qu’un jour il n’y ait plus de Charlottesville aux USA.
La beauté de ce livre, ce sont les images. Chaque image sonnera en vous un glas ou une alarme qui retentira dans vos âmes comme une corne de brume au cœur d’Auschwitz. Le génocide des Indiens et l’esclavage des noirs aux USA sont des shoahs bien pires et anciennes que celle d’Auschwitz. Et qu’on ne s’y trompe pas l’industrialisation de ces crimes contre l’humanité n’a pas été inventée par Hitler. Et sait-on qu’il y a aujourd’hui plus d’hommes noirs en prison aux USA qu’il n’y avait d’esclaves en 1860, à la veille de la guerre civile. Et tous ces noirs prisonniers sont enfermés parfois pour vingt ans pour un délit de possession, d’utilisation et éventuellement d’échange de drogue sur la voie publique, mais aussi dans le creux d’un sofa chez soi, vu et dénoncé par un passant blanc qui joue au voyeur, et dénoncer un crime fait que le voyeurisme n’est plus un délit. Et tous ces noirs travaillent pour une aumône qui ne leur sera payée que quand ils sortiront de la prison, s’ils en sortent. L’esclavage carcéral est encore pire que celui de leurs ancêtres car en plus les matons dressent quelques caïds dans le lot pour faire le tri, battre les dos et les visages sans que les gardiens n’aient à le faire, sans surtout que les gardiens n’interviennent rapidement car il faut bien que violence se passe, car il faut bien que l’esclavage carcéral soit un vrai champ de charpie humaine et de souffrance salvatrice pour les blancs qui regardent. Encore plus fascinant qu’un lynchage dans la nuit.
Le voyage dans ce catalogue est nécessairement n zigzags un peu erratiques car il n’y a pas d’index qui permette de retrouver tel ou tel auteur, acteur, artiste ou simplement telle ou telle image. Si vous voulez naviguer dans ce catalogue vous vous devez d’y aller à la godille. Ainsi la couverture de Invisible Man de Ralph Ellison est quelque part, je l’ai vue. Le nom de l’auteur et cette ouvre sont bien cités dans la bibliographie, mais la page où l’image se trouve n’est pas indiquée. Prenez votre mal en patience et feuilletez à loisir. Cette œuvre a une importance car ce fut la première œuvre littéraire noire au programme de l’initiation à la littérature anglaise (entendons de langue anglaise) sur le campus de l’Université de Californie à Davis en 1973. Les choses ont quelque peu changé depuis, mais le monde extérieur aux campus reste toujours le même car les campus sont des ghettos intellectuels avec parfois des mouvements d’étudiants qui ne sont pas toujours des mieux inspirés. Il y a dans l’Occident en général et aux USA en particulier une tendance à vouloir interdire l’expression de certains points de vue parce que certains d’entre nous ne les approuvent pas, et tout est bon : de l’accusation d’antisémitisme, à l’accusation de sexiste, à bien sûr l’accusation de fake news. De la droite à la gauche on trouve toujours des coalitions indignes qui ne savent demander que l’interdiction de ceux qu’ils désapprouvent. A bas Céline ! A bas Maurras ! Cela c’est la gauche. A bas Lénine ! A bas Mao ! Cela c’est la droite. Il est si tentant parfois de s’enfermer dans un cocon calfeutré et chaud d’où on a exclu tout ce qui pourrait froisser nos sentiments intimes.

La pire de ces censures, autocensures c’est la « color blindness », la cécité raciale de l’immense majorité de la littérature Américaine — et plus généralement occidentale — qui ne contient que des personnages dont l’identité ethnique n’est pas indiquée et qui sont donc assumés blancs de par les noms bien chrétiens qu’on leur donne. Il est remarquable que quelques grands auteurs comme Stephen King et Anne Rice ne soient pas atteints par ce daltonisme racial. Et cela n’est pas un apanage de la droite, mais bien un apanage consensuel dans nos sociétés.
Ce catalogue vous donnera une idée de l’horreur que ce daltonisme ethnique et racial peut couvrir. Les images ne sont pas à mettre entre toutes les mains, surtout des mains blanches. Autant les textes ont un sens lexical et syntaxique, mais absolument daltonien sauf quand la couleur des sujets est indiquée. Mais les images, les tableaux, les photos, les documents visuels eux n’ont pas besoin de légende pour être brutalement lisibles et significatifs.
Mais surtout évitez le romantisme et le sentimentalisme. Cette exploitation extrême de certaines catégories ethniquement posées comme inférieures n’est pas quelque chose que l’on doit condamner moralement. C’est quelque chose d’odieux mais qui met en péril la survie de l’humanité en tant que telle. La sous-espèce blanche de l’espèce humaine est et de loin, même en y intégrant les blancs non caucasiens comme les Arabes ou les Iraniens, sont loin, très loin d’être la majorité de notre humanité et le sectarisme occidental à la Trump met l’humanité toute entière en danger de mort pour sauver les privilèges des Etats Unis encore dans leur dominance blanche caucasienne, même si cela ne durera encore que quelques années de plus. Ces blancs-là qui gouvernent les USA préfèreront une guerre nucléaire qui détruira la planète à accepter de n’’être que second derrière la majorité non caucasienne de l’humanité. Plutôt mourir tous ensemble que n’être plus que seconds derrière des non-blancs.
C’est cela qui doit ressortir de ce catalogue. Non pas un simple discours antiraciste concernant les noirs mais un discours de raison en direction des blancs caucasiens qui nous gouvernent pour qu’ils acceptent la marche de l’histoire qui ne fait d’eux aujourd’hui que des seconds rôles.

Imaginez un peu Trump en second rôle ! Il en mourrait le pauvre. Mais encore faudrait-il que son moi puisse le savoir car j’ai bien l’impression que son moi se dit : « Il n’y aura jamais la moindre chance que je le susse. » Et pour sûr il mourra sans savoir, mais nous risquons fort de mourir avec lui dans la catastrophe nucléaire qu’il nous prépare.
Dr. Jacques COULARDEAU