Catherine de Sienne en Chansons

CATHERINE DE SIENNE
La Comédie Musicale
RÉVÉLATEUR ENTERTAINMENT
Père Jean Marie Luc
Depuis 1997, l’Eglise Catholique française anime une structure de production de comédies musicales sous la forme de camps écoles master classes en février juillet, août et novembre pendant les vacances scolaires pour des jeunes de 14 à 18 ans dans ce qui est devenu une école artistique de comédie musicale. Une production tous les ans avec une tournée sur l’année après la production, donc de septembre à mars ou un peu plus.
Ces jeunes sont encadrés par des professionnels de la scène capables d’assurer la production, la mise en voix et la danse nécessaire pour le spectacle. C’est un projet qui a un but clair : celui de donner à voir de grands personnages de l’église catholique dans l’histoire, mais des personnages non d’autorité, spirituelle ou séculaire, mais des personnages qui révèlent la foi, la vision du monde, le monde d’ici et le monde d’ailleurs, un monde noir ou un monde de lumière, mais toujours à travers des yeux humains, empathiques, capables de pleurer, de rire, de chanter, de crier aussi, capables de souffrir comme de célébrer sa propre force et son courage devant les difficultés de la vie.

C’est là le projet. J’ai vu un bon nombre de ces comédies musicales et au niveau du travail, il n’y a rien à redire, à condition bien sûr de ne pas attendre une revue musicale d’un théâtre parisien. Nous ne sommes pas au Moulin Rouge et les moyens de production ne sont pas ceux de Roland Petit. L’objectif est de faire découvrir le monde de la production d’une comédie musicale aux jeunes qui participent à l’opération. A ce niveau d’ailleurs j’ai une première remarque forte sur cette comédie musicale : il y a une très forte domination des filles et jeunes filles. Il est nécessaire de rééquilibrer ce déséquilibre. Il est sûr que de choisir des sujets qui concernent des saintes et autres femmes qui ont joué un grand rôle dans l’église risque de ne pas attirer les garçons et jeunes gens, même si la réflexion sur la place des femmes dans l’église est centrale, voire capitale.
La deuxième remarque est que ces productions touchent des publics qui risqueraient de ne pas avoir ce contact ou cette ouverture musicale si cela n’existait pas. Je me suis, l’autre samedi, imposé plus ou moins au bord d’un groupe de jeunes gens handicapés. Il y a pour eux là une très forte expérience qu’ils vivent entièrement et intensément. Le jeune homme à côté de moi qui me demanda le programme pour le parcourir eut un moment de recueillement quand les lumières sont tombées et que le spectacle allait commencer. Il l’exprima par des mains jointes deux secondes et un rapide mais non furtif signe de croix. Il était un spectateur comme tout spectateur de tout spectacle qui se recueille toujours un instant avant le début d’un spectacle. La plupart simplement font le silence en eux pour mieux recevoir le spectacle. Ce jeune handicapé a vécu avec intensité son expérience et a dû garder en mémoire quelques moments forts, même si le spectacle reste très modéré sur le dramatique de la situation de Catherine de Sienne.

Elle intervint dans le monde quand la Peste Noire arriva en Europe. Cette Peste Noire aurait pu et dû être élargie dans sa présentation. Cette Peste Noire qui tua au moins la moitié de la population européenne, et dans de nombreux village près de 70% de leur population, la mort, la Danse Macabre s’imposent comme une sublimation de l’horreur de la maladie et de la souffrance. Il y a des moyens de montrer cela sans choquer un jeune public. De même la mort de Catherine de Sienne est un peu trop rapide, un peu trop pas si dramatique que cela. Il manque un quelque chose qui permettrait de mettre en valeur le courage de mourir, la beauté de mourir. Quelques effets « spéciaux » simples devraient pouvoir faire le travail.
L’a priori d’écriture et de production est de mêler, d’entrecroiser le monde historique évoqué avec le personnage et le monde de la production avec une Catherine qui joue Catherine de Sienne, et la Catherine actrice cache sa maladie mortelle qui la met en phase finale de périssement quand elle joue la mort de Catherine de Sienne. Une touche d’empathie plus forte serait une bonne introduction à une réflexion sur « Mourir, qu’est-ce que c’est ? »
C’est cet enchevêtrement de deux époques et situations à sept siècles l’une de l’autre qui rend la lecture du spectacle parfois un peu difficile. Faire un parallèle systématique entre la Peste Noire et le consumérisme dans l’immédiateté du monde moderne est un peu trop orienté vers quelque chose qui est de l’ordre de la morale, de la croyance, de la conviction même, en un mot de la foi, mais quand le spectateur sort de la salle rien n’a vraiment changé pour lui et il retombe dans le consumérisme de l’immédiate réactivation de son téléphone portable, qui peut être un smartphone, et il vérifiera immédiatement ses messages.
Et pourtant tout cela n’est rien face au plaisir des acteurs, à l’entrain et le plaisir des spectateurs, à l’appréciation par les adultes dans la salle et surtout à des scènes typiques du music-hall qui tranche sur l’horreur de la Peste Noire. Il est sûr que les danses plutôt endiablées de ces épisodes et interludes donnent à l’ensemble un rythme tout à fait mesmérisant. De l’endiablé, sommes-nous passés au diabolique ? Peut-être bien.
Certains diront que l’Eglise Catholique en France fait dans le divertissement, un mot que Blaise Pascal n’aimait pas. Mais aujourd’hui, au temps de la consommation divertissante de la télé, des smartphones, des jeux électroniques, de la réalité virtuelle, de l’intelligence artificielle, on ne peut plus se condamner à ne faire référence qu’au spiritualisme de la contemplation. On a besoin de la spiritualité de l’action, si possible ensemble. Et dire que pendant ce spectacle les Champs Elysées brûlaient, c’est affirmer combien dans la société de la violence gratuite et terroriste, la consommation de masse est coupée de la réalité profonde de notre société. Après le saccage et la profanation de l’Arc de Triomphe ce fut l’heure du pillage et de l’incinération de symboles forts de la société qui permet à tant de gens d’avoir les moyens de se guérir sans se ruiner des pires maladies et épidémies. Imaginez le SIDA sans la médecine moderne, comme ce fut le cas pour la Peste Noire. Et pourtant on ne peut pas imaginer la société moderne sans le terrorisme des minorités socio-culturelles anarchisantes.
Dr. Jacques COULARDEAU
